Le Jefferson hôtel (2016)
Au printemps 2016, j’ai été invité au French Film Festival de Richmond, avec la chance unique de descendre à l’hôtel Jefferson…
L’hôtel Jefferson est un lieu exceptionnel, sorti tout droit du rêve d’un fils d’émigré hollandais.
Tout commence en 1842. Natif de New York, Lewis Ginter part à dix-huit ans faire fortune à Richmond, en Virginie, dans le commerce d’importation, avant de tout perdre lors de la Guerre de Sécession. Revenu à New York, il crée sa deuxième fortune dans le secteur bancaire, fortune qu’il perdra également lors d’une importante récession.
À cinquante ans, Ginter retourne à Richmond, se lance dans l’industrie du tabac, gagne des millions dans la vente de cigarettes pré-roulées, puis finit par vendre cette troisième fortune pour se lancer dans le développement foncier.
Tel Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, Ginter est cultivé, grand voyageur, amoureux des Arts et de l’Architecture. Il met toute son énergie et sa fortune pour créer l’hôtel de ses rêves, embauchant sans compter des talents de renom.
La statue grandeur nature de Jefferson dans le hall d’entrée est l’œuvre du sculpteur Edward Valentine. Une pièce en marbre de Carrare de 12 000 dollars. Une fortune pour l’époque. Des palmiers d’Amérique centrale et du Sud sont importés, des centaines d’antiquités sont ramenées du monde entier, sans compter des bains turcs et russes, la somptueuse salle de bal, la lumière électrique, les ascenseurs électriques, l’eau chaude et, cerise sur le gâteau, le Teleseme (ancêtre du téléphone) pour le service de chambre.
Dès son ouverture en 1895, le Jefferson Hôtel monte directement à la première place du palmarès des plus grands hôtels du pays.
Soixante-quatorze ans plus tard, en 1969, le Jefferson Hôtel est classé monument historique.
Pas moins de treize présidents américains sont descendus au Jefferson, le dernier étant Barack Obama. Parmi les personnalités, on peut citer Sarah Bernhardt, Scott Fitzgerald, Sir Edmund Hillary, Charles Chaplin, Ray Charles, Marylin Monroe, Frank Sinatra et Elvis Presley. Quant à Sergei Rachmaninoff, il s’est produit dans la salle de bal.
Aujourd’hui encore, le Jefferson est considéré comme le plus prestigieux hôtel des USA.
Il s’est modernisé. Mais il a eu beau connaître deux restaurations, il reste dans son jus. Certes il y a des écrans-télé incrustés dans le miroir des salles de bains, mais le majestueux escalier qui descend vers le salon, le même qui a inspiré le fameux escalier du domaine de Tara dans Autant en emporte le vent, n’a pas pris une ride.
Quant au cinéma qui accueille le French Film Festival, il s’agit du Byrd.
Classé lui aussi monument historique, le Byrd a été construit en 1928. Presque tous les équipements originaux ont été conservés, y compris l’exceptionnel orgue Wurlitzer qui accompagne encore, parfois, la projection de films muets.
Aujourd’hui, les affiches de Star Wars, le réveil de la force ont été escamotées au profit de l’événement de la semaine. À mon grand étonnement, la salle de 1500 places est bondée, pour la première projection de 9h du matin. Eh oui, certains Américains aiment le Cinéma français.