CORDOUE - Patios andalous
L’averse a lavé la ville, débarrassant une poussière accumulée depuis des semaines. La chaleur, quant à elle, est devenue plus supportable, mais l’humidité qui s’évapore déjà rend l’air lourd. Sur la plaza de Don Gome, l’ambiance est équatoriale.
La bâtisse se dresse devant moi, pas plus haute qu’un étage, et sans son fronton en pierre de taille, le palais Viana passerait pour une maison commune. On a peine à imaginer ce qui se trouve derrière ces murs.
Le Palais des marquis de Viana a été construit au XIVe siècle, puis fréquemment modifié et étendu jusqu’au XXe siècle. Outre son mobilier, il est également réputé pour la beauté de ses patios. Le patio, héritage des Arabes, permet de garder la fraîcheur d’une maison par la circulation de l’air et l’ombre qu’il propage. On connaît l’amour des Andalous pour ces cours intérieures, l'art de la botanique et leur passion pour en faire de véritables paradis. Le bruit de la ville y est absent, et le silence s’emplit ici du ruissellement des fontaines et du chant des oiseaux. Dans les ruelles andalouses, il n’est pas rare de voir une porte laissée ouverte par un propriétaire fier ou généreux, permettant au promeneur de jeter un œil sur ces havres de paix qui, suivant les saisons, embaument le jasmin, la bergamote et la fleur d’oranger.
Voici donc une balade bucolique et temporelle à travers les patios du Palais Viana, patrimoine national d’Espagne.
El Patio del Recibo - 1421.
Il est l’entrée du palais. Bougainvilliers, célestines et dames de nuit accueillent le visiteur. Une colonne manque à l'angle ouest ; il fallait faire rentrer les calèches.
El Patio de Los Gatos.
D’origine médiévale, avec un caractère populaire marqué, le Patio des Chats est le plus ancien de Cordoue. Avec son lavoir, c’était un lieu partagé avec les locataires voisins, qui en échange l’entretenaient et l’embellissaient. Les cuisines du palais attiraient les félins, qui y rôdaient en quête de nourriture.
El Patio de los Naranjos.
Le Patio des Orangers fait lui aussi partie du noyau originel du palais. Il rappelle les jardins hispano-musulmans, conçus comme des lieux privés qui invitaient à la contemplation, où les plantes et l’eau étaient les principaux éléments. Dans le monde andalou, la fonction esthétique des jardins était liée à leur utilisation agricole, dont les techniques avancées permettaient d'acclimater les espèces, comme c’est le cas pour les orangers centenaires du patio.
El Patio de las Rejas.
Il est l’une des icônes du Palais Viana et des patios de la ville de Cordoue, car on peut le voir de l’extérieur à travers trois grilles de forge qui donnent leur nom à l’espace et à la rue adjacente, appelée Rejas de don Gome.
Il a été conçu au XVIIe siècle pour satisfaire le besoin de la noblesse de montrer son prestige et sa position sociale. Symbole de la puissance des familles qui ont habité le palais, il devait être toujours coloré et exhibait donc une végétation à feuilles persistantes : orangers, citronniers et bergamotes, taillés pour être adossés aux murs.
El Patio de Columnas est le dernier à avoir été incorporé au palais. Il a été construit dans les années 80, lorsque la résidence a ouvert au public. C’est un lieu d’événements privés ou populaires. Danse, théâtre, concerts et présentations littéraires entrent dans la programmation culturelle de la ville.
Le pavement en galets bicolores est un héritage arabe. On le retrouve dans toute la ville de Cordoue.
El Jardìn.
Le XIXe siècle est marqué par la mode des jardins. Tout noble doit en posséder un.
L’inspiration française est évidente, avec son labyrinthe bordé de buis vieux de deux siècles et ses parterres de roses. Le système d’irrigation fait pousser citrons, limiers, mandarines, oranges et pamplemousses. Il appelle à l'errance et à la rêverie.
El Patios de la Alberca i de los Jardineros.
Les Patios de la Piscine et des Jardiniers sont le lieu de travail typique et centre névralgique de l’équipe de jardinage : entretien, boutures et hybridations pour acclimatation. Car sous ce climat continental, l'hiver à Cordoue peut être glacial.
La piscine recueille les eaux de pluie et d'écoulement.
Aujourd’hui, ces deux patios continuent à remplir la même fonction héritée des Arabes : ensoleiller, aérer et oxygéner l’eau du puits avant d’arroser manuellement, comme cela se fait à Viana depuis des siècles.
El Patio del Pozo.
Bougainvilliers, jasmins, fougères, criques et oreilles de vache sont la base de l’endroit. Les jarres et les pots alternent, selon la saison.
Les nuages ont filé et le soleil a repris toute sa place. En sortant du palais Viana, la rue est un four. Une seule échappatoire s’offre à nous, partir à la recherche d’autres patios. Ils ne sont jamais loin, surtout ceux des bars et des restaurants, plus bruyants sans doute, mais si populaires.