Paisibles tropiques
En 1987, le touriste étranger est une rareté en Chine. Les hordes qui déferlent sur les lieux touristiques sont exclusivement chinoises. Pour les voyageurs occidentaux que nous sommes, enclins à une certaine contemplation, être plongé dans le courant compact et tonitruant de ce peuple est une véritable épreuve.
Au Sichuan, le mont Emeï, ou encore le Bouddha de Leshan qui domine aves ses 70 mètres l'union de cinq fleuves, font partie de ces lieux à la mode qui attirent les familles des quatre coins de la Chine. On s'y aventure, balayant du pied papiers gras et canettes qui recouvrent sentiers et escaliers, les oreilles agressées par un flot ininterrompu de radios vociférantes, et les narines saturées par l'odeur des picnics au canard laqué. Bref, on boit, on mange, on rote, on crie, on crache et on se bouscule avec un naturel confondant.
Si l'on veut du calme, ce sera hors des circuits, au pied des remparts de Leshan, dont l'ocre des murs se confond aux limons du fleuve, dans les gargotes de thé rouge où les conteurs distraient vieillards et enfants affalés dans des fauteuils en bambou. Même dans la mégalopole de Chengdu se trouvent des endroits sereins ; il suffit d'emprunter les ruelles des vieux quartiers ombragées d'hibiscus.
Le calme, le véritable voyage, se trouvent là où "il n'y a rien à voir".